Portraits
Par passion des "petites étincelles"
Vendredi 29 nov. 2024
Chaque petite étincelle produite par une découverte marquante entretient le feu sacré du métier même 30 ans après !
Archéologue, épigraphiste du nabatéen et directrice de recherche au CNRS, Laïla Nehmé est aussi Réginaburgienne depuis 1986. Cette chercheuse nous dévoile les coulisses de son dernier documentaire diffusé en mai 2024 sur Arte et remarqué à Lumexplore (Festival du Film d’Exploration Science et Environnement de la Société des Explorateurs Français, La Ciotat) fin septembre.
Comment conciliez-vous votre travail de chercheuse et la diffusion de vos découvertes auprès du grand public ?
La diffusion des connaissances au grand public en France fait partie intégrante de ma mission de chercheuse au CNRS. Cette valorisation prend des formes multiples : ouvrages, conférences, podcasts, interviews, documentaires… Il revient à chaque chercheur de trouver le juste équilibre dans cet écosystème car il ne s’agit pas de notre cœur de métier. J’ai contribué en près de 20 ans à différents documentaires à l’international comme en France en réponse à des sollicitations de sociétés de production ou à des journalistes qui s’intéressent à mes recherches. En tant qu’archéologue et épigraphiste, j’étudie la culture matérielle (écriture, objets…) laissée par les Nabatéens, puissante civilisation de commerçants caravaniers installés de Syrie à l'Arabie, dont les premières traces remontent à - 312 av. J.-C. à 106 apr. J-C. En 2021, j’ai ainsi répondu positivement à la demande de la compagnie de production TSVP pour réaliser Expédition Pétra : sur la piste des Nabatéens, rediffusé en septembre sur France 5. Informés de notre expédition à Pétra, en Jordanie, une équipe télévisuelle nous a suivis pendant 9 jours jusque dans la capitale des Nabatéens, classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1985.
Quelle a été la genèse de votre dernier documentaire ?
Je suis à l’initiative de Désert d’Arabie, dans les pas des caravaniers d’autrefois réalisé par Jean-Luc Guidoin. Cela faisait presque 10 ans que je nourrissais le projet de réaliser ce parcours de 140 km entre deux oasis, à dos de dromadaires, sur la route de l’encens et de la myrrhe dont les Nabatéens ont tiré leurs richesses pendant près de 400 ans. Nous avons préparé en équipe le tracé à partir des écrits de référence. Pour concrétiser cette expédition, nous avons obtenu des financements privés grâce au projet conjoint de documentaire.
Parlez-nous concrètement de la mise en œuvre de cette « aventure humaine » inédite…
Une année s’est écoulée entre le premier synopsis, sa soumission à la chaîne, la rédaction du scénario, la préparation des aspects logistiques et la mise en œuvre du tournage dans le désert en février 2023, période propice d’un point de vue météo. Pendant les 7 jours de notre expédition, nous avons découvert la réalité de monte à dos de dromadaire 20 km par jour (rire) – contre 30 à 45 km durant l’Antiquité (!). Nous ajustions quotidiennement le tracé pour prévoir le campement du soir. Être archéologue nécessite une véritable passion car l’investissement est tous azimuts. Ténacité, patience et énergie sont indispensables mais chaque petite étincelle produite par une découverte marquante entretient le feu sacré du métier même 30 ans après ! J’aimerais maintenant refaire ce parcours en ayant le temps de discuter avec les Bédouins qui nous accompagnaient pour apprendre davantage sur eux, et sur leurs animaux, sans les contraintes d'un tournage.