Portraits
Léa Dubois : Sensibiliser les femmes à l'attrait de la physique
Mercredi 26 mars 2025
Originaire de Corrèze et Réginaburgienne jusqu’en octobre dernier, Léa Dubois, agrégée de physique de 26 ans, est aussi lauréate du Prix des Jeunes Talents France 2024 pour les Femmes et la Science de la Fondation L’Oréal.
Parlez-nous de votre rencontre avec la Fondation L'Oréal.
« Je savais que la Fondation existait car il y avait eu une lauréate du programme For Women In Science (FWIS) en 2023 dans mon laboratoire à l'Institut d'Optique Graduate School sur le plateau de Saclay. C'est un collaborateur chercheur qui m'a incitée à adresser ma candidature pour obtenir une dotation pour mes recherches sur les atomes à très basse température ; spontanément, je ne pense pas que je l'aurais fait (rire).
Deux des programmes de la Fondation L'Oréal m'intéressaient : FWIS dont je suis lauréate aux côtés de 34 chercheuses et celui For Girls in Science qui vise à donner envie aux collégiennes et lycéennes de continuer dans les sciences grâce aux témoignages inspirants et concrets de Marraines, doctorantes, chercheuses... Ce dernier fait aussi écho à mon engagement depuis 2 ans au sein de la commission Femmes et Physique de la Société Française de Physique. »
Quel est l'enjeu de votre sujet de thèse, les atomes à
très basse température ?
« J'étudie les propriétés et la dynamique des systèmes d'atomes dits unidimensionnels au sein du laboratoire de gaz quantique. Dans la vie de tous les jours, l'exemple le plus parlant de systèmes unidimensionnels est celui de la lumière qui arrive via la fibre optique dans nos logements. Au lieu d'étudier la lumière et les photons, mon étude porte sur les atomes. Mon expérience est constituée d'une salle d'environ 30 m2 avec plein d'éléments d'optique, car on utilise de la lumière pour ralentir et refroidir les atomes à une température proche du zéro absolu. Je produis un nuage d'atomes que je piège dans un carré de 8 cm de côté dans lequel la pression est très faible, on parle d'ultra vide. Pour observer ces atomes, il y a ensuite plusieurs méthodes dont l'absorption à laquelle je recours : les atomes absorbent la lumière d'un faisceau laser et nous distinguons alors leur ombre, reconstruisons la forme du nuage et calculons le nombre d'atomes. À partir de ces observations, je cherche à comprendre, avec mon binôme, la dynamique des phénomènes de relaxation dans un guide unidimensionnel (et non en 3 dimensions) d'une taille transversale d'une centaine de nanomètre*, ce qui change les propriétés. Il s'agit de physique fondamentale et il y a encore beaucoup à découvrir, la théorie sur ces systèmes spécifiques date de 2016... Il n'y a pas à court terme d'application technologique ou industrielle. »
Pourquoi avoir choisi de devenir physicienne ?
« Depuis mon enfance, j'ai nourri mon goût pour les mathématiques et les sciences avec mon grand frère, en regardant des livres d'astrophysique, de cosmologie, des journaux de vulgarisation scientifique... J'ai fait toute ma scolarité à Égletons, à mi-chemin entre Tulle et Ussel, et grâce à mon père chercheur en science de l'ingénieur, je savais que les études longues existaient (ce dont tous les ruraux loin des grandes villes ne sont pas toujours conscients).
C'est en classe préparatoire à Toulouse que je me suis tournée vers la physique que je comprenais et j'apprenais aisément puis vers la mécanique quantique que je trouve fascinante, lors de mes 3 années à ENS Paris-Saclay (ex-Cachan) puis de ma spécialisation à ENS Ulm. Cette théorie développée au début du XXe repose sur un énorme bagage mathématique avec plein de résultats intuitifs vérifiés expérimentalement beaucoup plus tard, un changement de paradigme au niveau des sciences, une Révolution !
Être chercheur signifie bien sûr avoir un intérêt fort pour son objet d'études et aussi aimer collaborer en direct ou à distance avec d'autres chercheurs et techniciens ainsi que transmettre en enseignant. C'est une grande chance que j'ai de faire ce métier ! »
*1 million de fois plus petit que le millimètre.
©Fondation L'Oréal Richard PAK