Chapitre 1 - Des garçons dans le vent !

En 1921 circule dans les rues de Bourg-la-Reine un drôle de prototype :René et Charles Bernardet ont ajouté un attelage de tôle à leur vrombissante Harley Davidson. Les passants sont happés ! Avec ce premier « siège de côté », modelé, fuselé, ressemblant à un bateau, les frères Bernardet débutent leur incursion dans l’incroyable épopée du side-car.

Hélène et Henri Bernardet ont donné naissance à 4 garçons : André (1897), René (1898), Robert (1899) et Charles (1902). En 1917, René était employé par le constructeur d’avions Nieuport à Villacoublay quand il a été mobilisé et affecté à l’entretien des avions au sol. Jusqu’à la fin du conflit, il apprend le travail de la tôle ainsi que la mécanique appliquée au domaine de l’aviation. Domaine qui, après la guerre, attire ses deux frères Robert et Charles.

1921, le prototype sortant de l’atelier rue des Bruyères, à Bourg-la-Reine.

Installée à Paris dans le 14e arrondissement, la famille possède un terrain de 446m² entre les rues de la Faïencerie et des Bruyères à Bourg-la-Reine. Si Henri y cultive son potager, Charles et René bricolent une Harley-Davidson, 1000 cm³, un modèle « J » de 1919 équipé d’un « siège de côté ». Cette moto provient des surplus américains démobilisés, mais non-rapatriés, qui ont été vendus aux particuliers. Une aubaine pour les deux frères qui décèlent aussitôt les failles de l’attelage.

À la recherche de l’idée qui leur permettrait de créer leur propre entreprise autour de leur passion mécanique, ils se lancent dans la conception d’un side-car en tôle bien plus moderne que le traditionnel « panier » en osier ou rotin. Le premier prototype est conçu, fabriqué et en circulation dans les rues de Bourg-la-Reine tous les week-ends !

Après un brevet déposé à la fin de l’année 1923, l’aventure du side-car estampillé Bernadet peut débuter : dès 1925, salons et succès s’enchaînent ; leur frère Robert se joint à eux ; du personnel est recruté. Au 5 rue des Bruyères, un atelier charpenté de 200 m² remplace le modeste abri de départ.

 

Devant l’atelier en avril 1929, Charles, René et Robert Bernardet. Dans le side-car, Yvonne, future épouse de Charles.

Bernardet devient leader dans l’industrie française du side-car en se distinguant par le soin apporté au développement des équipements : leurs premiers modèles sont dotés d’une porte d’accès, d’une capote repliable, d’un coffre derrière le passager ; puis, à partir de 1930, repose-pieds, accoudoirs et même miroir de courtoisie font leur apparition ! Les nombreuses victoires obtenues en compétitions et au Bol d’Or de 1930 à 1939 renforcent leurs notoriété et leurs ventes.

Juin 1935, publicité side-cars « BERNARDET »

C’est devant Maître Perrot, notaire de Bourg-la-Reine, que l’« établissement Bernardet Frères » est officiellement créé le 14 décembre 1932. Charles utilise son deuxième prénom, Roger, pour créer la marque aux 3 R : René, Robert, Roger. À cette époque, la qualité de leurs produits et leur renommée internationale conduisent l’Armée française à passer commande de plusieurs modèles, dont un doté d’une roue motrice qui accroît la force de traction et facilite le transport des lourdes charges. Rapidement, les locaux de Bourg-la-Reine deviennent trop étroits pour assurer à la fois production militaire et civile. Une nouvelle usine est construite à Châtillon ; la société s’y installe en décembre 1937 et honore jusqu’en 1944 les commandes des armées françaises et belges, sous la contrainte de l’occupant allemand qui réquisitionne l’usine en août 1940.

Après guerre, le side-car tombe en désuétude ; mais les frères Bernardet ne manquent ni d’imagination ni de curiosité. De retour d’un voyage transalpin, Pierre Bernardet, fils d’André - le seul frère à ne pas avoir pris part à l’épopée familiale – parle d’une nouveauté italienne nommée « scooter »… leur premier modèle est mis sur le marché en 1947 : ce coup de génie positionne la firme en précurseur de la diffusion du scooter en France. Jusqu’en 1956, date qui sonne le glas de la société du fait d’une très forte concurrence, 4500 à 7000 exemplaires étaient produits chaque année à l’usine de Châtillon.

Toutes les illustrations proviennent des archives familiales et sont reproduites avec l’aimable autorisation de Christophe Fresneau, petit-fils de René, auteur de « Histoire des frères Bernardet ». À retrouver sur le site de l’Association des Cycles et Véhicules Bernardet (A.C.VB.), présidée depuis 1993 par Gérard Bernardet, fils de Robert.

www.bernardet.com