Portraits
« Résistant et humaniste »
Jeudi 29 août 2024
Je me suis battu pour avoir une vie meilleure et protéger la démocratie.
Le 1er août dernier, Georges Szumanski, Réginaburgien, était invité d'honneur du Musée de l'Insurrection de Varsovie pour le 80e anniversaire de cet événement auquel il a pris part activement. C'est aussi là qu'il a fêté ses 100 ans le 4 août dernier. Rencontre avec Georges SZUMANSKI, un acteur de l'Histoire de la Pologne.
Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager dans la Résistance en Pologne ?
Mon premier contact avec l'AK (l'armée clandestine polonaise) remonte à 1942. J'avais 18 ans, j'étais insouciant et j'avais les nerfs solides. J'étais mû, avec mes camarades, par la haine de l'occupant allemand qui nous qualifiait de « sous-hommes ». J'ai rejoint la section de déminage et d'explosifs. Ma mission consistait à faire sauter des trains transportant du matériel militaire et des troupes allemandes pour gêner l'occupant.
Avez-vous eu des peurs, des doutes lors de votre engagement ?
Oui, nous vivions avec la peur d'être dénoncés et déportés ou exécutés comme l'ont été certains de mes camarades. Le silence sur mes activités était la règle d'or même vis-à-vis de ma famille : « tu l’ouvres, tu paies ». Personne ne devait savoir, pas même une jolie fille qu'on aurait voulu épater. Car les gens parlent sans pour autant vouloir du mal... Oui, j'ai aussi eu peur lorsqu'un cheminot est venu nous prévenir qu'un train de voyageurs polonais remplaçait un train transportant l'occupant. Heureusement, nous avons réussi sans nous blesser à retirer le pain d'explosif... et éviter des pertes humaines d'innocents.
Quels souvenirs avez-vous de l’Insurrection de Varsovie ?
J'ai principalement deux souvenirs : celui des sourires des Varsoviens portés par cet élan de liberté recouvrée puis celui de la ville à 95% détruite en représailles, et l’acharnement des Allemands à détruire Varsovie. S'en ait suivi pour moi une période de doute profond sur le pourquoi de toutes ces vies de civils perdues. Mais sans ce soulèvement porté par la Résistance polonaise, Varsovie et ses habitants auraient été totalement exterminés.
De votre installation en France en 1947 avec votre père, quelles impressions vous reste-t-il de l’accueil des Français ?
Formidable ! Mon père était un colonel de l’armée polonaise ce qui a peut-être facilité notre accueil. Nous avons vécu quasiment 10 ans « sur nos valises » passant d’une chambre de bonne à une autre. J’ai appris le français à l’Alliance française puis j’ai eu la chance de trouver un travail puis d’étudier l’urbanisme. C’est aussi à Paris que j’ai rencontré mon épouse en 1956 au sein de l’association des étudiants polonais. Paris nous a réunis !
Pourquoi témoignez-vous auprès des jeunes sur votre vécu de résistant ?
Ma rencontre avec Frédéric Praud et son association Parole d’Hommes et de Femmes en 2004 a été le révélateur. Témoigner sur les événements historiques est capital et surtout dire la vérité aux jeunes générations. J’ai toujours regardé devant et je me suis battu pour avoir une vie meilleure et protéger la démocratie. Car quand on la perd, on ne sait jamais combien de temps on mettra à la retrouver ! L’arme est le vote.
Votre mot de la fin ?
Rêver est aussi un véritable moteur : c'est ce que nous faisions avec mes amis quand nous traversions le pont de la Vistule pour nous essayer à la voile sur une embarcation de fortune fabriquée avec l’un de nos professeurs. Nous rêvions de liberté et de rejoindre la Suède ou la Norvège !